La métamorphose du Phénix est certainement l’épisode le plus documenté et le plus abondamment illustré.
Lorsqu' il atteint l’âge canonique de 500 ans , sentant son heure venue, le phénix enduit son corps d’aromates, de myrrhe et d’encens et construit son propre bûcher à Héliopolis, la ville du Soleil, là où les rayons sont les plus ardents.
La mention d’Héliopolis est récurrente dans les textes. Cette métropole religieuse, nommée ainsi par les Grecs, correspond à la cité antique d’Onou située dans le delta du Nil. On y vénérait une Triade divine constituée de Khépri, le Soleil en devenir , Rê, le Soleil à son zénith et Atoum, le Soleil couchant.
Les trois divinités finissent par se confondre en une seule ;Rê qui possède deux hypostases principales( animaux par lesquels le Dieu se manifeste) le Bénou (ancêtre du Phénix) et le dieu taureau Mnévis.
Mais retrouvons notre phénix sur son bûcher : il attise le feu en battant des ailes et se consume totalement. Il renaît de ses cendres trois jours plus tard d’abord sous la forme d’un petit ver qui en grandissant se transforme en phénix.
Brunet Latin ,le Livre du Trésors :
Mais la plupart des gens disent qu’il vieillit en cinq cents ans et que, lorsqu’il a vécu jusque-là, sa nature l’incite et l’attire vers la mort, et pour se régénérer il s’en va à un bel arbre savoureux et de bonne odeur, et s’en fait un nid qu’il embrase, puis y entre tout droit en face du soleil levant. Et en ce jour où il est consumé, de sa cendre sort un petit vers qui prend vie. Au second jour après sa naissance, l’oisillon ressemble à un petit poussin. Au troisième jour, il est arrivé à complète croissance, aussi grand qu’il doit l’être, et s’envole aussitôt au lieu où se trouve sa demeure.
Et certains disent que ce rite est fait par le prêtre d’une ville appelée Héliopolis, où le phénix renaît, ainsi que le récit l’a raconté plus haut » .
Lactance précise dans son poème dédié au Phénix, que » la nature condense et humidifie les cendres avant d’y insuffler un germe pour les féconder et engendrer un nouvel être. »
Une autre version de la métamorphose est développée entre autres chez Hérodote (Enquêtes II 73)
« D’après eux(les égyptiens), le phénix viendrait quand son père meurt…Partant de l’Arabie, il transporterait au temple d’Hélios son père enrobé de myrrhe pour l’y ensevelir. Voici comment : pour commencer avec la myrrhe il façonnerait un œuf aussi gros qu’il soit capable de soulever ; ensuite il essaierait de la porter et lorsqu’il y serait arriver , il creuserait l’œuf pour y déposer son père ; avec la myrrhe restante , il boucherait le trou creusé pour y introduire son père ; Une fois le mort gisant à l’intérieur, l’œuf retrouverait son poids initial ; C’est dans cet appareil que le phénix l’emporterait en Egypte au temple d’Hélios . »
Claudien*2 précise que le Phénix est accompagné dans son voyage d’une foule d’autres oiseaux tel un peuple accompagnant l’avènement d’un nouveau roi .
" Avec lui, des oiseaux sans nombre, en l'air cette escorte ailée
L'escorte dans son vol; dans ses diverses courses,
L'immense armée ennuage à foison le firmament;
De tous ces milliers d'oiseaux, aucun n'ose voler
Devant le chef, mais ils vénèrent le chemin, la fragrance du roi;
Ni l'épervier cruel ni même l'écuyer du maître du tonnerre
Ne provoque de guerre, le respect créé un pacte général."
Chez Ovide enfin , il n’est plus question d’un œuf funéraire puisque c’est le nid tout entier qui est transporté.
Les parfums sont omniprésents dans les descriptions de la métamorphose , à des degrés divers selon les périodes suivant en cela l’évolution des rites funéraires. L’utilisation de parfums durant la crémation servant à la fois à masquer les odeurs tout en étant hautement symbolique : offrande sacrificielle, présence spirituelle triomphant de la mort et de l’oubli.
Durant le Ier siècle ap.JC , la cannelle, que l’on trouve sous le vocable cinnamome, remplace la myrrhe alors que les bûches funéraires se développent à Rome. L’écorce de ce bois aromatique fournit la cannelle la plus rare , celle que l’on réservait aux grands personnages et au Phénix …
Françoise Lecocq*1 dénombre pas moins de neuf parfums différents dans le poème de Lactance alors que Claudien désigne l’oiseau comme le « rex fragrans de la gent ailée ».
La métamorphose est porteuse de sens qui ont évolué dans le temps , c'est ce que nous aborderons dans le chapitre suivant.
*1 Françoise Lecocq « L’œuf du Phénix : myrrhe, encens et cannelle dans le mythe du phénix »
*2 http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/claudien_phenix/